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Témoignage : Un long chemin pour une place en IME

C'est l'histoire vraie de Quentin*, 13 ans, et de sa maman Céleste*.

(*les prénoms ont été modifiés)



C’est assise autour d’une table, début décembre 2020, lors d'une RESS (Réunion de l’Equipe de Suivi Scolaire ) que Céleste, maman de Quentin, âgé de 13 ans et scolarisé en 5ème dans un dispositif ULIS collège (Union Locale Insertion Scolaire), entourés par l'équipe pédagogique du collège (professeur ULIS, infirmière, référente handicap et Principale de l'établissement), découvre la possibilité d’une intégration en IME (Institut Médical Éducatif).

Cette orientation lui est présentée et proposée sur un temps partagé ULIS/IME. Suite au bilan de son fils, l'équipe de suivi scolaire l'informe des difficultés d'apprentissage scolaire de Quentin, et lui précise que cette orientation serait plus adaptée pour son fils qu'une classe ULIS seule, et lui permettrait de mieux se préparer pour son avenir professionnel.

A l’issue de la réunion, l’enseignante référente handicap informe Céleste qu'il faut dès à présent monter un dossier MDPH, avec demande de temps partagé ULIS/IME, car le délai d'intégration dans ce type d'établissement est long : 2 à 3 ans d'attente en moyenne. Elle ajoute que si c'est possible, il faut déposer le dossier MDPH avant le 31 décembre 2020.


Céleste est une mère aguerrie au handicap de son fils et rompue aux exigences administratives que cela implique. Quentin est reconnu en situation de handicap depuis ses 3 ans. Elle n’est plus intimidée ni désarçonnée devant un dossier MDPH à remplir, ni même devant une réunion de professionnels de santé et/ou membres de l’éducation nationale relatant à tour de rôle les difficultés de son fils. Pourtant, à la sortie de cette RESS, même si elle est contente de découvrir la possibilité de ce temps partagé, les questions se bousculent dans sa tête : « Qu’est-ce que c’est un IME exactement ? Est-ce que c’est vraiment ce qu’il faut pour mon fils ? Est-ce que ça va être possible de mettre cela en place rapidement ? Et ce fameux temps partagé, qu’est-ce que c’est exactement ? Des alternances selon les semaines ? Ou une demi-journée en IME et l’autre au collège ? Ou encore un jour en IME, un jour au collège ? Comment va-t-il y aller ? Comment arriver à remplir le dossier d’ici le 31 décembre ? »


Malgré toutes ses interrogations, Céleste passe à l’action. Elle sait que pour avoir toutes ses chances, il faut que le dossier MDPH soit complet. C’est plus qu’un formulaire car il faut le mettre à jour auprès des différents praticiens qui suivent l’enfant et donc obtenir des bilans pour justifier la demande en IME. Il faut aussi trouver un médecin qui sache remplir la partie médicale du dossier, ce qui s’avère compliqué parfois pour un médecin généraliste qui ne maîtrise pas toujours tous les aspects du handicap. La partie médicale du dossier est essentielle pour que le handicap soit compensé au plus près des besoins de l’enfant. Il a donc fallu que Céleste courre après les bilans : de l’ergothérapeute, du psychomotricien, de l’éducateur spécialisé, de l’orthophoniste et du kinésithérapeute. Par chance, tous ont été très réactifs et Céleste a eu rapidement les bilans. Pour le médecin, elle s’est adressée au CMP où Quentin est suivi ; et là aussi, elle a eu une réponse rapide. Une fois paré aux urgences d’obtenir les bilans, il faut s’attacher à remplir le formulaire, une fois de plus. Son premier dossier, Céleste l’a rempli quand Quentin avait 3 ans. C'est à la crèche que le handicap de Quentin a été mentionné pour la première fois et qu'il a fallu faire la première déclaration à la MDPH.


Depuis, tous les ans, elle remplit un dossier : tantôt pour des demandes de nouvelles prises en charge, tantôt pour une nouvelle orientation, un ordinateur, ou encore pour renouveler les cartes (invalidité et stationnement) ou bien encore pour demander une AESH. D'une part, l’enfant grandit, évolue, progresse. Parfois, une nouvelle pathologie surgit et, en conséquence, les besoins changent. Et les suivis évoluent avec les pathologies. Ils peuvent aussi être alternés, pour aménager des pauses thérapeutiques. Sans cesse, il faut réadapter les suivis aux besoins, et à chaque modification, il faut refaire un dossier MDPH. D'autre part, les notifications de la MDPH sont rarement faites pour le long terme ce qui oblige aussi à refaire des demandes régulières et donc de remplir à nouveau un dossier.


Tous les suivis ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. C'est le cas pour : l'ergothérapeute, le psychomotricien, l'éducateur spécialisé mais aussi le psychologue. Ce sont pourtant des suivis essentiels qui occasionnent des frais assez conséquents. La MDPH peut verser une participation financière, mais pour cela il faut pouvoir présenter les bilans, des factures et des devis. « Il faut tout le temps anticiper » précise Céleste, et être capable de fournir les photocopies des factures passées, les devis pour les séances à venir pour pouvoir renouveler les demandes de suivi. A chaque fois, il faut remplir à nouveau le « projet de vie » et le « projet de vie scolaire ». Ce qui est très difficile pour certains parents car cela nécessite de projeter son enfant dans l’avenir et, selon son évolution, ce n'est pas évident. C'est douloureux et parfois décourageant.


A la veille de la nouvelle année et en à peine 3 semaines, Céleste arrive à boucler son dossier MDPH ULIS/IME. Pour être certaine que le dossier arrive bien à destination et gagner un peu de temps, elle va le déposer en personne à la MDPH de Bobigny. La MDPH lui remet alors « l’attestation de dépôt ». Ensuite, il faut attendre encore 3 semaines environ pour recevoir un nouveau papier qui dit que le dossier est recevable, c’est-à-dire que le dossier est complet et examinable par la commission de la MDPH. Avec l’expérience, « j’ai compris que les dossiers MDPH pour les enfants étaient étudiés en commission entre janvier et juin afin de recevoir la notification pour la rentrée suivante de septembre », dit Céleste. Et elle précise que « le parent aidant doit être perpétuellement dans l’anticipation ».


Une fois le dépôt du dossier MDPH fait, il n’y a plus qu’à attendre. L’attente peut durer plusieurs mois. Cinq mois plus tard, la notification tant attendue par Céleste et Quentin arrive : la réponse de la MDPH est positive. Quentin va pouvoir bénéficier d’un temps partagé collège ULIS/IME. Céleste est soulagée et également contente, tout en se questionnant : « Comment trouver un IME qui convienne aux besoins de mon fils ? La notification en main, je savais que j'allais partir pour de nouvelles aventures administratives ! » nous dit-elle avec l’humour qui la caractérise.


La notification arrive début mai, juste quelques jours avant la RESS du collège, qui était déjà prévue pour Quentin. Céleste annonce alors à RESS qu’elle a la notification d'accord ULIS/IME. Tous sont très étonnés par la rapidité de la réponse de la MDPH. Céleste interroge l’équipe pédagogique sur la marche à suivre pour trouver un IME. La référente handicap l'informe qu’elle doit se connecter à une plate-forme nommée : « via-trajectoire ». Une fois la RESS finie, Céleste rentre à son domicile et tente donc de se connecter sur ce site. Malheureusement, elle découvre qu’il faut des codes d'identifiant de professionnels pour se connecter. Ne sachant plus trop comment faire mais ne s'avouant pas vaincue, elle s’adresse à l’assistante sociale du CMP qui lui explique que c’est une sorte de messagerie interne entre la MDPH et les IME. Le CMP, par manque de moyens, n’est pas rattaché à ce système. L’assistante sociale explique à Céleste qu’elles vont faire ça à " l'ancienne ", c’est-à-dire remplir à la main un DUDA. Un DUDA ? Un Dossier Unique de Demande d’Admission en établissement et service médico-sociaux pour personnes en situation de handicap. Le DUDA est un dossier qui comporte 19 pages, avec plusieurs volets : un volet administratif , un volet parcours scolaire et un volet sur l’autonomie de l'enfant. Comme pour le dossier MDPH, il faut ajouter les bilans des différents suivis et un certificat médical indiquant les pathologies. Heureusement pour Céleste, les bilans envoyés à la MDPH en décembre étaient encore recevables et le médecin du CMP a pu mettre à jour le certificat médical. L’assistante sociale demande alors à Céleste si elle sait dans quels IME Quentin peut postuler. Céleste, depuis la dernière RESS, avait commencé à se renseigner et, aidée par son entourage, elle avait repéré 7 IME dont deux hors de la Seine-Saint-Denis. C’est compliqué de trouver l’établissement qui va correspondre à la pathologie de l’enfant. « Malheureusement, on ne me l’avait pas précisé à la RESS de décembre ! » précise Céleste. Elle l’a découvert lorsqu'elle a commencé à se renseigner.


Fin juin le DUDA est prêt à être envoyé : il faut envoyer un dossier DUDA complet à chacun des IME choisis. Une nouvelle phase d’attente commence. A la fin de l'été, les réponses vont arriver sporadiquement : « votre demande est prise en compte », « vous êtes sur la liste d’attente », « nous sommes complets ». Début septembre, enfin une réponse différente : un IME souhaite les rencontrer et propose un rendez-vous fixé en octobre 2021. Lors de ce rendez-vous, l’IME explique à Céleste que la première phase c’est d’abord que Quentin fasse un stage. L'objectif est double : découverte de l’IME pour Quentin et évaluation des pathologies de Quentin par l'IME pour voir si cela correspond aux compétences de l’institut. A l'issue de ce rendez-vous, Céleste et Quentin apprennent qu'un courrier leur sera adressé mentionnant la date du stage qui sera d'une semaine complète. Le courrier arrive environ deux semaines plus tard. Céleste découvre que, pour faire ce stage, une convention de stage doit être signée entre le jeune, les parents, l’IME et le collège. Bien entendu, en plus de la convention de stage, et pour l’occasion, il faudra encore fournir quelques papiers d’ordre administratif à l'IME. « A ce stade on n’est plus à un papier près » dit Céleste ! L’IME indique aussi à Céleste que la prise en charge par le transporteur est à gérer par la famille. C'est donc à Céleste de trouver le transporteur pour amener son fils à son futur stage. Or, le stage doit avoir lieu la semaine suivante et ils ont rendez-vous à l’IME avant pour signer la convention avant le stage ! Après quelques péripéties rocambolesques pour obtenir le papier de convention signé par le collège, Quentin est prêt à faire son stage. Pour le transporteur ce fut une autre histoire, mais après quelques déboires, le transporteur qui emmène Quentin au collège accepte d'assurer ce transport si « IDF mobilité » donne son accord.


Île-de-France Mobilité est une structure départementale qui gère les transports des personnes qui ne peuvent pas se déplacer seules, dont de nombreux enfants porteurs de handicaps. IDF mobilité est joignable uniquement par mail, ce qui ne simplifie pas les échanges. Après quelques jours d'attente, IDF mobilité accepte que le transporteur habituel emmène Quentin à l’IME pour sa période de stage découverte.


Tout est prêt. Quentin effectue son stage. Tout se passe très bien.


A l’issue de ce stage, l’IME explique à Céleste qu’ils donneront une réponse définitive une fois que les professionnels de l’IME se seront réunis et auront validé, ou non, le fait que Quentin rentre dans les critères d'intégration de l'institut.


Attente à nouveau pour nos deux protagonistes... Heureusement elle n’a pas duré trop longtemps : environ un mois après le stage Quentin est accepté au sein de l'IME. Il y fera sa rentrée début janvier 2022.


Bien évidemment, l’IME informe Céleste qu'elle va recevoir une liste de documents à fournir auprès de l'établissement en plus de ceux déjà fournis en octobre et en novembre. Il faut compléter l'inscription maintenant qu'il va intégrer l'établissement, fournir des enveloppes, des attestations d'assurance... De nouveau, un rendez-vous pour signer une nouvelle convention. De nouveau, courir et être disponible.


C'est lors de ce dernier rendez-vous de signature de la convention à l'IME que Quentin et Céleste découvrent l'emploi du temps proposé par l'IME et apprennent que l’IME ne prend pas en charge le transport pour les usagers (terme utilisé pour les jeunes de l'IME) présents à mi-temps sur l'institut. Céleste doit de nouveau envoyer un mail à IDF mobilité. Elle n'est pas inquiète : elle se dit que IDF mobilité avait accepté pour le stage et que ça ne devrait pas poser de problème.


Céleste envoie donc un mail pour une demande de prise en charge de transport domicile IME Aller/Retour auprès de l'IDF mobilité. Quelques jours plus tard, la réponse tombe, elle est négative, sans motif, sans explication. Céleste est dépitée : encore une embûche de dernière minute ! Nous sommes en pleine période de vacances de fin d'année 2021. Ne pouvant pas joindre IDF mobilité, elle demande au transporteur de Quentin qui a travaillé avec eux de les interroger : pourquoi cette réponse négative ? En parallèle, elle en informe l'IME avant que la direction ne parte en congés. L'IME se montre coopératif et prend le relai car ils sont eux aussi très étonnés que la prise en charge soit refusée.


Céleste élève seule ses enfants et travaille, elle ne peut pas se permettre de conduire son fils à l’autre bout du département 3 fois par semaine en plus du temps qui lui est déjà accordé par son employeur. Les fêtes de fin d'année sont passées. Dans deux jours, Quentin commence son temps partagé ULIS/IME et pas de transporteur. Après plusieurs coups de fil, Céleste trouve une solution de « bricolage » grâce à son entourage pour emmener et ramener Quentin à l’IME le temps qu’elle trouve une solution pérenne.


Après moultes démarches et coups de fil (MDPH, DSDEN) elle finit par comprendre que c’est bien à l’IME de prendre en charge le transport de son fils les jours où il y sera en stage. Des subventions spécifiques existent. Elle rappelle l’IME qui, entre temps, avait cherché une solution et lui confirme que c’est bien le transporteur de l’IME qui viendra chercher Quentin. OUF ! Soulagement, après une semaine complexe, les choses sont enfin en place !

Cette prise en charge de transport par l'IME implique le départ de Quentin vers 7h00 du matin pour un retour parfois à plus de 18h00. Mais, comme le souligne Céleste : « Quentin rentre fatigué, épuisé, mais il est si épanoui les jours où il se rend à l'IME que cela en vaut le coup. D’ailleurs, tout ce marathon administratif en valait la peine quand je le vois si épanoui, c'est ma récompense de bonheur. En plus cela rejaillit sur toute la famille ! »


En n'intégrant l’IME qu’à mi-temps et en gardant un pied au collège cela permet à Quentin de ne pas quitter totalement le système scolaire et lui donne du temps pour évoluer.

Toujours optimiste, Céleste nous confie à la fin de l’entretien : « ça été la galère, mais au fond, et d’après ce qu’on m’avait dit, je m’attendais à ce que ça soit plus long et encore plus dur ! De toutes façons, quand tu es le parent d’un enfant en situation de handicap, tu ne dois jamais lâcher et toujours anticiper ! C’est d'ailleurs et avant tout pour cela que j’ai accepté de témoigner. Si cela peut aider, soutenir et servir à d’autres parents dans des situations quasi identiques, mon témoignage ne sera pas inutile. Ne lâchez rien, jamais ! »


Propos recueillis par le FCPE de Noisy le Grand en janvier 2022

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